Le Mois de l’histoire des Noirs s’achève, alors que la mission de la Société canadienne du sang en matière de diversité, d’équité et d’inclusion ne fait que commencer


Graham Sher, chef de la direction de la Société canadienne du sang

Tout d’abord, j’aimerais reconnaître les privilèges dont moi-même je bénéficie : je suis un homme de race blanche occupant un poste de haute direction dans une grande organisation et disposant d’une plate-forme pour publier cet article. Je me suis mis à écrire ce blogue en réfléchissant à l’importance du Mois de l’histoire des Noirs. J’ai pensé que je me devais d’utiliser ces privilèges et cette plate-forme pour mettre en lumière les accomplissements des personnes noires et cet important mois.

Le Mois de l’histoire des Noirs sera loin derrière nous lorsque vous lirez ces lignes, mais le travail doit se poursuivre au-delà du mois de février et l’engagement de notre organisation à l’égard de la diversité, de l’équité et de l’inclusion demeure ferme.

Une année entière s’est écoulée depuis le début de la pandémie de COVID-19 et le monde a pris conscience d’une autre maladie qui touche les personnes noires et de couleur de manière disproportionnée.

Sheila O’Brien, directrice adjointe, Épidémiologie et Surveillance, à la Société canadienne du sang a dirigé une étude sur la séroprévalence de la COVID-19 (c’est-à-dire une étude sur les anticorps contre le virus de la COVID-19 visant à déterminer les taux d’infection dans certains groupes).

Les travaux de Mme O’Brien au cours de la dernière année ont confirmé que les Canadiens racisés sont plus susceptibles de présenter des anticorps contre la COVID-19 que des donneurs blancs et que l’écart semble s’accroître avec le temps.

Selon les derniers résultats, le taux de séroprévalence continue d’être plus élevé chez les Canadiens racisés (2,5 %) que chez les donneurs s’identifiant comme blancs (1,35 %).

La dernière année a mis en évidence que l’injustice raciale est encore présente de bien des manières et à différents niveaux, et que des périodes comme le Mois de l’histoire des Noirs sont importantes pour se concentrer sur ces questions.

Créé aux États-Unis et ensuite adopté au Canada, le Mois de l’histoire des Noirs a pour vocation de jeter la lumière sur les contributions — sous-estimées, ignorées et même activement dissimulées — des Noirs dans nos sociétés. Il représente l’occasion de célébrer et de mettre en avant les personnes issues des communautés noires, mais aussi de s’engager à prendre, tout au long de l’année, des mesures contre le racisme que vivent ces personnes.

Je suis originaire d’Afrique du Sud et j’ai grandi sous le régime de l’apartheid, où le racisme était explicite, rampant et, oui, une politique d’État. Toutefois, en parler n’était pas courant, en particulier dans les communautés blanches. Ce système était si profondément ancré qu’il était pratiquement caché, invisible, comme s’il « ne nous concernait pas ». C’est en entrant à l’université, dans les années 1980, que j’ai commencé à prendre conscience des répercussions profondes et désastreuses de ce racisme institutionnel. Il aura fallu la sagesse, le courage et la ténacité de personnes comme Nelson Mandela pour mettre fin à ce système de ségrégation. Je vivais déjà au Canada lorsque Mandela est devenu président, mais il a eu et continue d’avoir sur moi une grande influence en tant qu’être humain et dirigeant.

Les multiples voix, activités et histoires célébrant l’héritage et l’histoire des Noirs qui nous ont été présentées au mois de février m’ont rappelé qu’il est important de reconnaître d’où l’on vient, d’y réfléchir, d’en apprendre plus sur l’expérience d’autrui et de continuer à espérer un avenir meilleur pour tous.

Le travail mené le mois dernier — et au fil des ans — pour souligner le point de vue de nos employés noirs est une composante importante de notre apprentissage et de notre progression. Je tiens à féliciter celles et ceux qui ont accepté de témoigner à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs. En tant que membres d’une communauté ethnique sous-représentée dans notre organisation, parler de ce que cela signifie pour vous et de vos attentes n’a pas dû être facile. En le faisant, vous vous êtes illustrés par votre intégrité et votre courage.

Anika, Élodie, Karl, Akintunde, sachez que j’ai beaucoup apprécié votre franchise et votre honnêteté. Ce n’est pas à vous de résoudre les lacunes de notre organisation, mais vos opinions sur la question sont les bienvenues et sont une importante étape dans notre cheminement vers plus de diversité, d’équité et d’inclusion.

Nous devons apprendre de l’expérience de nos employés et nous en servir. Nous avons également un rôle vital à jouer dans la création d’un système de santé canadien plus équitable.

Comme je l’ai mentionné précédemment, la pandémie de COVID-19 a démontré, encore une fois, que les communautés noires font face à des risques disproportionnés en matière de santé. Or, malgré cela, le système s’avère défaillant quand vient la prise en charge des patients issus des communautés et des secteurs marginalisés. Les déterminants sociaux de la santé sont des facteurs essentiels qui exigent que nous portions tout autant attention aux origines des inégalités et des discriminations qu’aux traitements médicaux contre des maladies comme la COVID-19.

Dans notre organisation, la majorité des donneurs de cellules souches inscrits au registre sont blancs et nous manquons d’inscrits issus des communautés autochtones, noires et de couleur. Cela signifie que les patients de ces mêmes communautés ont moins de chance de trouver un donneur compatible lorsqu’ils ont besoin d’une greffe de cellules souches.

Plus exactement, il y a 6 913 personnes noires inscrites au Registre de donneurs de cellules souches, soit 1,53 % du nombre total d’inscrits et beaucoup moins que ce que cela devrait être. Toutefois, cela est bien mieux du côté de la Banque de sang de cordon, où 62 % des unités de sang de cordon mises en banque proviennent de donneurs issus de minorités ethniques — dont 5 % de donneurs noirs, soit beaucoup plus que le nombre de donneurs inscrits au registre.

Il nous reste tout de même beaucoup de progrès à faire notamment sur la façon dont nous recrutons, communiquons et apprenons de nos concitoyens issus de ces communautés marginalisées — tâche que nous prenons très au sérieux.

Le chemin vers la diversité, l’équité et l’inclusion sera long, car les changements en profondeur prennent du temps. Toutefois, je m’engage personnellement sur, entre autres, les points suivants :

  • l’instauration de pratiques d’embauche plus équitables;
  • un accès plus transparent aux postes de direction pour les personnes noires, autochtones et de couleur;
  • la mise à disposition de ressources en ligne pour les personnes issues des communautés historiquement marginalisées destinées aux employés, donneurs, donneurs potentiels et patients;
  • de meilleures façons de communiquer avec les donneurs et les employés issus des communautés historiquement marginalisées, que cette marginalisation concerne l’ethnicité, le genre, l’orientation sexuelle, les capacités physiques ou mentales, ou toute autre caractéristique;
  • la diversification des bassins de donneurs du Registre de donneurs de cellules souches et de la Banque de sang de cordon afin de mieux servir les Canadiens issus des minorités ethniques;
  • de constants encouragements de la part de notre conseil d’administration aux ministres de la Santé pour que le renouvellement du conseil — qui a lieu à l’automne, chaque année — soit l’occasion de nommer des personnes issues des communautés historiquement marginalisées, que cette marginalisation concerne l’ethnicité, le genre, l’orientation sexuelle, les capacités physiques ou mentales, ou toute autre caractéristique;
  • l’évaluation continue du Défi 50-30, organisé par le gouvernement fédéral, et l’utilisation potentielle des préceptes définis par ce défi comme références pour notre propre évolution vers plus de diversité, d’équité et d’inclusion à tous les échelons de notre organisation;
  • la poursuite de notre démarche vers un processus de sélection fondé sur le comportement pour tous les donneurs plutôt que sur une période d’attente pour les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes (plus d’information sur ce sujet).

Ce sont là les objectifs à court terme sur lesquels nous travaillons et je me ferai un devoir de tenir tous les employés et tous les Canadiens au courant de nos progrès.

Le Mois de l’histoire des Noirs et la dernière année nous ont appris beaucoup de choses, alors retenons-les et pensons-y dans le cadre de notre travail et dans nos activités à l’extérieur de la Société canadienne du sang. L’histoire du Canada est la somme des histoires de toutes ses communautés, dont celle des Canadiens noirs, mais également celles des peuples autochtones, des autres personnes de couleur et des personnes s’identifiant comme LGBTQ2+ ou de toute autre façon. Si nous voulons véritablement incarner notre rôle de chaîne de vie du Canada, nous devons reconnaître notre passé, accepter tous les aspects de notre diversité et bâtir un avenir beaucoup plus inclusif et équitable pour tous.

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