Cellules souches sans frontières

Amener les cellules souches jusqu’aux patients en attente d’une greffe a nécessité des prouesses logistiques pendant la pandémie

16 septembre 2021
A masked stem cell courier with a cooler of the type used to transport stem cells internationally

Tina Valcheva transporte des cellules souches pour les patients à l’étranger. Elle fait partie des coursiers qui ont continué de voyager pendant la pandémie.

Chaque jour, de nombreux coursiers se joignent au flux incessant de voyageurs aériens qui parcourent le globe, transportant avec eux des produits biologiques à la durée de conservation limitée, dont des cellules souches capables de sauver la vie de patients en attente de greffe. Lorsque la pandémie de COVID-19 s’est déclarée, ces importants messagers ont soudain été contraints de composer avec de nouvelles exigences, des restrictions aux frontières et la réduction du nombre de vols. Pour l’équipe du Registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang, il était clair qu’il allait falloir travailler plus fort que d’habitude pour aider les coursiers à acheminer les cellules souches en provenance ou à destination du Canada.

Dès que les répercussions de la pandémie se sont fait sentir, Gail Morris, responsable des services aux donneurs du Registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang, a mis les bouchées doubles. Elle a commencé par établir un réseau de collègues de différents services concernés par le transport des cellules souches, qui ont à leur tour communiqué avec leurs contacts au sein du gouvernement fédéral pour s’assurer que les frontières resteraient ouvertes pour les coursiers transportant des cellules souches.

L’enjeu était de taille. Lorsque les mesures de confinement ont été mises en place au Canada en mars 2020, certains patients en attente de cellules souches étaient en plein milieu d’un traitement préparatoire consistant en une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie qui détruit leur moelle osseuse en amont de la greffe. À cette étape, les patients risquent de mourir si les nouvelles cellules souches n’arrivent pas à temps. Pour Gail et ses collègues, c’était une raison de plus pour tirer la sonnette d’alarme. Une fois certaines incertitudes réglées, notamment sur le plan logistique — et non sans stress —, les autorités sanitaires fédérales ont agi rapidement pour autoriser les livraisons en attente au Canada.

Comment s’inscrit-on au registre de donneurs de cellules souches?

Comment prélève-t-on les cellules souches de la moelle osseuse ou du sang périphérique?

Portrait of the manager of donor services for Canadian Blood Services Stem Cell Registry


Gail Morris est responsable des services aux donneurs pour le Registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang

Une solution plus durable

La prochaine étape a consisté à dépasser les solutions temporaires pour obtenir une exemption permanente des restrictions de voyage imposées par le gouvernement fédéral. L’équipe de la Société canadienne du sang, en partenariat avec Héma-Québec, l’organisme responsable du Registre de donneurs de cellules souches au Québec, a collaboré avec le gouvernement fédéral pour autoriser tous les coursiers à entrer au Canada — ainsi qu’à les laisser repartir sans quarantaine.

En parallèle, les centres de greffe canadiens ont adapté leurs procédures. Tandis qu’auparavant, ils comptaient sur des bénévoles pour transporter les cellules souches, ils se sont associés à un fournisseur de services basé en Allemagne pour éviter les problèmes durant le transport et ne pas exposer les bénévoles à un risque plus grand d’infection par la COVID-19.

Mais à la fin de 2020, alors qu’une deuxième vague balayait l’Europe, ces professionnels se sont eux aussi retrouvés face à des défis inédits. Avec la nouvelle fermeture des frontières et l’annulation de nombreux vols, certains coursiers ont été contraints de passer par les aéroports d’autres pays européens pour se rendre à destination. Pendant ce temps, ceux qui venaient au Canada pour récupérer des cellules souches destinées à des patients étrangers se heurtaient à un autre obstacle de taille : sans autorisation du gouvernement fédéral, l’entrée au pays était compliquée.

À cette période, Gail répondait en pleine nuit aux innombrables courriels et appels téléphoniques de l’entreprise de coursiers. Elle n’a donc pas été surprise, aux petites heures du 24 décembre, de voir un nouveau message urgent s’afficher sur son téléphone posé sur sa table de chevet, lui annonçant qu’un coursier se préparait à quitter l’Allemagne pour le Canada le 26 décembre, mais que la dernière personne à avoir tenté le voyage n’avait pas pu monter à bord de l’avion et avait dû changer ses plans. Cette fois, le coursier voulait qu’on lui garantisse par écrit qu’il pourrait faire le trajet sans escale.

Des cellules souches juste à temps pour les Fêtes

Gail a alors envoyé une demande d’aide urgente par courriel à Rosanne Dawson, avocate au sein de la Société canadienne du sang, dont l’équipe avait joué un rôle crucial tout au long de la pandémie, suivant de près l’évolution juridique et réglementaire et réagissant en conséquence. En quelques minutes à peine, Rosanne l’a informée qu’il fallait obtenir une exemption auprès de Theresa Tam, l’administratrice en chef de l’Agence de la santé publique du Canada — et pour cela, il allait falloir demander des renforts.

Rosanne a donc joint Christian Choquet, le vice-président à la qualité et aux affaires réglementaires, et Lindy McIntyre, directrice des politiques de santé et affaires gouvernementales, pour leur expliquer les besoins immédiats et leur décrire le contexte. « Actuellement, huit Canadiens se préparent à faire un don de cellules souches à l’intention de patients étrangers entre aujourd’hui et le 21 janvier 2021. Nous serons donc certainement de nouveau confrontés à ce problème au début de l’année. »

« Christian et moi-même avons joint nos collègues au gouvernement, raconte Lindy McIntyre, et dans les 24 heures, tout le monde était sur le pied de guerre, prêt à intervenir à tout moment. » Tout le monde, même Theresa Tam. Le matin de Noël, elle s’est engagée personnellement à ce qu’une solution soit trouvée et a confirmé qu’un membre de son équipe était en contact avec l’Agence des services frontaliers du Canada. Le 26 décembre, le coursier a pu monter à bord d’un vol pour le Canada et livrer les précieuses cellules.

Jusqu’à la dernière minute

Pour Gail Morris cependant, l’histoire ne s’arrêtait pas là. Jusqu’à ce que le gouvernement fédéral révise officiellement les restrictions imposées, tous les coursiers qui venaient au Canada pour récupérer des cellules souches avaient besoin de lettres d’exemption personnalisées. Et tout cela se faisait dans des délais très serrés. Le donneur de cellules souches devait recevoir une autorisation et le coursier devait être désigné avant même que Gail puisse commencer à préparer la documentation nécessaire. Ensuite, elle avait besoin que le fournisseur allemand lui communique l’itinéraire exact du coursier. Il lui fallait alors jongler avec les fuseaux horaires et souvent surmonter la barrière de la langue pour obtenir l’information nécessaire auprès du registre de donneurs de cellules souches étranger.

« Tout s’organisait toujours jusqu’à la dernière minute, explique-t-elle. Le coursier partait d’Europe à six ou sept heures du matin heure locale, et nous obtenions la lettre d’exemption vers minuit heure d’Ottawa ― avec le décalage horaire, c’était toujours très, très serré par rapport à l’heure de départ. » Ce système a duré jusqu’à ce que le gouvernement révise finalement les restrictions au mois de février 2021, à la suite d’un effort concerté de la Société canadienne du sang, d’Héma-Québec et des responsables fédéraux.

Une nouvelle difficulté attendait pourtant Gail et son équipe. En janvier, le gouvernement a commencé à exiger de tous les passagers aériens, y compris les coursiers, qu’ils présentent un test de COVID-19 négatif effectué dans les 72 heures précédant le vol à destination du Canada. Certains coursiers devaient effectuer un nouveau test au Canada pour pouvoir retourner dans leur pays. Gail a collaboré avec les entreprises de coursiers pour organiser les tests, ce qui n’était pas une mince affaire, étant donné que de nombreuses cliniques de dépistage refusaient l’accès aux personnes qui s’étaient rendues à l’étranger dans les deux semaines précédentes.

Des résultats heureux pour les receveurs de cellules souches

À chaque difficulté surmontée, une autre surgissait — un scénario qui s’est reproduit jusqu’au nouvel exercice financier. Avec le recul, Gail et les membres de son équipe éprouvent tout de même une grande satisfaction, car des centaines de livraisons de précieuses cellules souches ont pu avoir lieu entre avril 2020 et la fin mars 2021.

« Nous avons réussi à livrer toutes les cellules souches qui devaient se rendre à un patient canadien ou qui partaient du Canada vers un patient étranger, confie Gail. Cela nous a coûté quelques cheveux gris, mais nous avons gagné de très belles collaborations. Maintenant, quand on y repense, on peut se dire qu’on a réussi! »

Entre les donneurs de cellules souches qui ont répondu présents en pleine pandémie, les coursiers qui ont bravé les risques d’exposition à la COVID-19 et les nombreux membres de la chaîne de vie du Canada qui ont travaillé de longues heures, de jour comme de nuit, pour organiser des livraisons cruciales, tout le monde s’est mobilisé avec comme objectif d’acheminer des produits vitaux jusqu’aux personnes qui en avaient besoin. « Tous les registres de donneurs de cellules souches ont le même but : aider les patients, explique Gail. Nous avons la même passion pour notre métier, et lorsque nous collaborons au-delà des frontières internationales pour aider d’autres registres et centres de greffes, et que ceux-ci nous rendent la pareille, nous traitons tous les patients avec le même respect. »

Cette histoire est reprise dans le rapport annuel que nous publierons sur notre site Web à la fin d’octobre 2021. Intitulé Façonner l’avenir, notre rapport rendra hommage à nos employés et à nos donneurs, qui ont relevé toutes sortes de défis pour assurer la santé future des Canadiens.

Le 18 septembre est la Journée mondiale du don de moelle osseuse, une occasion de célébrer tous ceux qui contribuent à sauver des vies par leur rôle dans le processus de greffe de cellules souches. Nous encourageons les personnes de 17 à 35 ans en bonne santé à s’inscrire en ligne au Registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang pour recevoir leur trousse d’inscription par la poste.

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