Vivre avec l’anémie falciforme et sensibiliser les autres à la maladie

Ulysse Guerrier, qui a besoin de transfusions sanguines, sensibilise le public à sa maladie et au besoin de donneurs de diverses origines

23 septembre 2021
Man with sickle cell disease sits in an office in Toronto

La drépanocytose ou anémie falciforme est une maladie invalidante qui touche environ 5 000 Canadiens. La maladie est causée par une mutation héréditaire de l’hémoglobine, qui est une protéine présente dans les globules rouges. Le rôle de l’hémoglobine est d’acheminer l’oxygène des poumons vers les organes et les tissus de l’organisme et de ramener le dioxyde de carbone aux poumons pour élimination. Tandis que les globules rouges normaux sont mous et ronds et peuvent circuler facilement dans de très petits vaisseaux sanguins, ceux des personnes qui souffrent d’anémie falciforme contiennent principalement de l’hémoglobine S, un type d’hémoglobine anormale. Les globules rouges de ces personnes sont rigides et bloquent parfois les petits vaisseaux sanguins à cause de leur forme qui ressemble à une faucille.

L’anémie falciforme est une maladie héréditaire, et les dons de sang sont essentiels au traitement

Lorsque l’anémie falciforme est présente dans une famille, ses membres peuvent hériter de la maladie elle-même ou du trait drépanocytaire (ce qui signifie qu’ils ont hérité du gène de l’un de leurs parents). Toute personne peut avoir l’anémie falciforme, ou le trait de cette maladie, mais on la retrouve principalement chez les populations de l’Afrique, de la Méditerranée, des Caraïbes, du Moyen-Orient, de la région du Pacifique occidental, de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale.

La maladie agit de deux façons chez les personnes atteintes : elle détruit les globules rouges (hémolyse) et elle bloque le débit sanguin dans les vaisseaux (occlusion vasculaire). Ensemble, ces effets entraînent de graves complications, notamment des douleurs intenses, des problèmes respiratoires, la défaillance d’organes et même des accidents vasculaires cérébraux. L’anémie falciforme n’est pas contagieuse et il n’existe aucun traitement largement répandu. Parmi les traitements souvent utilisés figurent la prise d’antibiotiques, la gestion de la douleur, l’administration de liquides par voie intraveineuse, les transfusions sanguines et les interventions chirurgicales.

Pour beaucoup de patients qui ont besoin de transfusions sanguines régulières, une correspondance étroite entre leur groupe sanguin et celui du donneur est essentielle. La compatibilité entre un donneur et un receveur dépend des antigènes, qui sont des protéines présentes à la surface des globules rouges. Il existe plus de 600 antigènes connus et on en découvre d’autres chaque année. La combinaison unique des antigènes d’une personne est appelée « phénotype ». Comme le groupe sanguin complet d’une personne (au-delà des groupes ABO) est lié à l’ascendance, une compatibilité étroite ne peut être trouvée que chez les donneurs de la même race ou d’une ethnicité similaire. L’Association d’anémie falciforme du Canada sensibilise le public à l’importance du sang « phénotypé » dans le traitement de la drépanocytose. Le phénotypage du sang d’une personne établit le profil particulier de ses antigènes.

Au secours des patients au sang rare

En septembre, la Société canadienne du sang est fière d’aider l’Association d’anémie falciforme du Canada à souligner le Mois de la sensibilisation à la drépanocytose, en attirant l’attention sur les défis liés au fait de vivre avec cette maladie et sur le rôle essentiel des donneurs de sang dans le traitement des personnes qui en souffrent.

Ulysse est ici aujourd’hui grâce au soutien des donneurs de sang. Comme des milliers d’autres personnes drépanocytaires au Canada, il a besoin de transfusions sanguines régulières pour gérer cette maladie difficile qui dure toute la vie.

Ulysse Guerrier est né à Toronto, en 1976, après que ses parents aient immigré d’Haïti au début des années 1970. Quatre des cinq enfants de la famille ont fait l’objet d’un diagnostic d’anémie falciforme, et deux d’entre eux sont décédés depuis. Lorsqu’Ulysse avait deux ans, un médecin a déterminé qu’il souffrait d’une drépanocytose associée à la bêta-thalassémie, une maladie du sang qui entrave la production d’hémoglobine.

« Ma sœur est décédée à l’âge de six mois, raconte Ulysse. C’était avant ma naissance. Quand j’étais bébé, ma mère était très protectrice envers moi parce qu’elle reconnaissait certains des symptômes de ma sœur. Ces symptômes étaient une enflure des mains et des pieds, des pleurs souvent sans raison apparente, un jaunissement des yeux et des coliques, mais il n’y avait pas de diagnostic clair. »

« À l’âge de deux ans, je suis tombé malade pendant des vacances en famille à Haïti. Mes parents m’ont emmené chez un médecin qui a fini par découvrir que je souffrais de drépanocytose, une maladie courante dans ce pays, aux Caraïbes et en Afrique. »

Gestion de la douleur liée à l’anémie falciforme

Après le diagnostic, Ulysse et sa famille ont été initiés à diverses méthodes de gestion de la douleur. Au début, Ulysse prenait des narcotiques pour soulager la douleur puis, au fil des ans, il a eu recours à de la codéine, du Tylenol 3, de la morphine et divers opioïdes, dont le Demerol. Toutefois, l’utilisation prolongée de ces médicaments a entraîné des réactions qui ont nécessité la recherche d’autres options.

Le Demerol aidait à soulager sa douleur, mais l’accumulation du médicament dans son organisme a fini par provoquer de graves effets secondaires, notamment des convulsions. Ulysse est toujours à la recherche d’un traitement efficace et durable contre la douleur.

« Le seul médicament que je peux tolérer, et que je prends en ce moment, c’est le Fentanyl. Malheureusement, ce médicament est à l’avant-plan de la crise des opioïdes et même s’il fonctionne pour beaucoup de gens comme moi, certains patients ont de la difficulté à en obtenir à cause de sa mauvaise réputation. »

Le don de sang pour traiter l’anémie falciforme

Le sang et les produits sanguins ont joué un rôle clé dans le traitement d’Ulysse au fil des ans. Depuis l’âge de dix ans, Ulysse a reçu en moyenne deux unités de sang par mois. Aujourd’hui, il reçoit chaque mois des traitements de remplacement des globules rouges, qui consistent à remplacer ses propres globules rouges par ceux d’un groupe de donneurs. La maladie et les traitements l’ont toutefois beaucoup éprouvé. Même si les traitements de remplacement sont essentiels, ils ont tendance à le vider de son énergie et à lui causer des douleurs à la colonne vertébrale. Ses os ont également été abîmés avec le temps.

« Après des années à vivre avec la drépanocytose, j’ai développé une nécrose avasculaire (AVN) dans les épaules et dans les hanches à cause de la diminution du flux sanguin vers mes os. J’ai eu un remplacement de la hanche en 2005. »

Au fil des ans, le traitement de l’anémie falciforme a évolué et l’espérance de vie a augmenté. Dans les années 1970, les personnes atteintes de la maladie vivaient rarement au-delà de l’âge de dix ans. De nos jours, beaucoup de patients vivent jusque dans la soixantaine.

Devenir un défenseur de la cause

C’est la Dre Yvette Bonny qui a d’abord renseigné Ulysse et sa famille au sujet du diagnostic d’anémie falciforme à Haïti. Cette hématologue renommée a continué à jouer un rôle important dans la vie d’Ulysse après avoir immigré au Canada lorsque le jeune garçon avait dix ans.

« Quand j’étais enfant, je croyais être le seul à vivre avec l’anémie falciforme, affirme Ulysse, mais la Dre Bonny m’a fait comprendre petit à petit qu’il y en avait d’autres. Par contre, même si nous sommes nombreux, peu d’entre nous se sentent à l’aise de parler de la maladie et des difficultés que nous rencontrons. » 

« La Dre Bonny est devenue un modèle pour moi; elle a influencé le travail que je fais en tant que défenseur de la cause des patients drépanocytaires au Canada et dans le monde. »

Ulysse a été moniteur de camp et membre du conseil d’administration de la Société de l’anémie falciforme du Canada. Après s’être installé à Toronto dans la vingtaine, il s’est joint à l’Association de l’anémie falciforme de l’Ontario, et est devenu coordonnateur du Programme de drépanocytose au Centre de santé communautaire TAIBU, le premier programme de ce genre dans la région de Toronto, afin d’aider les adultes atteints de la maladie à obtenir des soins de santé primaires spécialisés.

Ulysse a également lancé une chaîne YouTube intitulée Our Sickle Cell Life (notre vie de personne drépanocytaire) pour parler de l’impact de la maladie sur la vie quotidienne des gens et des problèmes auxquels ils sont confrontés. 

Réduire la stigmatisation associée à l’anémie falciforme

Quand on lui a demandé ce qu’il aimerait le plus que les gens sachent à propos de l’anémie falciforme, Ulysse a répondu ceci :

« Ce n’est pas une maladie des Noirs, c’est une maladie des globules rouges. Du moment que du sang circule dans vos veines, vous pouvez être porteur du gène. Il est très important que les gens sachent s’ils sont porteurs ou non. »

« Quelles que soient vos origines, il y a une possibilité que vous soyez porteur du gène. En 2021, il n’y a aucune raison de ne pas savoir. Il s’agit d’un simple test sanguin. »

L’objectif d’Ulysse est de sensibiliser la communauté à la maladie.

« Je souhaite améliorer les choses en ce qui concerne la drépanocytose durant mon passage dans ce monde. Je veux éradiquer les préjugés auxquels nous faisons face et qui se manifestent, par exemple, dans la façon d’administrer les traitements ou de traiter les gens à l’hôpital, dans le racisme que nous subissons et dans la perception selon laquelle nous cherchons seulement à obtenir des médicaments. »

Les donneurs de sang de la même origine ethnique que les patients drépanocytaires représentent la meilleure source de sang pour les transfusions dont ils ont besoin. En tant que personne qui continue de vivre avec cette maladie, Ulysse encourage les Canadiens admissibles à donner du sang.

« Il y a beaucoup de gens comme moi qui ont besoin de sang. En ce moment, il me faut sept à douze unités de sang toutes les quatre semaines. Je reçois du sang depuis que j’ai 10 ans, donc en 25 ans, j’ai probablement reçu plus de 10 000 unités, et ce n’est que moi! »

Ulysse souhaite également que les gens comprennent l’importance d’un bassin de donneurs diversifié.

Nous invitons les membres des différentes communautés à soutenir les personnes atteintes de drépanocytose au Canada en donnant du sang et en s’inscrivant au Registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang. Les donneurs de sang et les personnes inscrites au registre de donneurs de cellules souches peuvent également manifester leur soutien à ces personnes en rejoignant l’équipe Partenaires pour la vie de l’Association d’anémie falciforme du Canada

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