Survivant d’une attaque d’ours, il a un message pour les donneurs

31 juillet 2023
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Un homme portant des lunettes de soleil et un casque dans un paysage de sommets montagneux.

Les globules rouges O négatif transfusés par les ambulanciers aériens ont sauvé Colin Dowler

Quatre ans après avoir survécu à une attaque de grizzli, Colin Dowler espérait pouvoir aider à son tour en donnant du sang, mais il a appris plus tôt cette année qu’il n’était pas admissible au don. Qu’à cela ne tienne, il a décidé de raconter son incroyable histoire pour encourager d’autres personnes à donner. 

Les donneurs de sang O négatif ont le premier rôle dans cette histoire, puisque ce sont leurs dons que transportait l’ambulance aérienne venue au secours de Colin le 29 juillet 2019. L’hélicoptère a atterri au camp forestier où il était arrivé tant bien que mal sur son vélo tout terrain environ 70 minutes plus tôt, dans une région reculée de la Colombie-Britannique, au nord-ouest de Powell River. Après l’attaque de grizzli, il avait réussi à parcourir les sept kilomètres qui le séparaient du camp avec une seule jambe fonctionnelle et d’impressionnantes blessures au torse. L’ours avait commencé à le dévorer vivant lorsqu’il est parvenu à s’échapper. 

Man in hospital bed with many tubes in his body, holding knife
Colin Dowler a failli mourir après avoir été attaqué par un grizzli. Continuez la lecture pour découvrir l’histoire du couteau qu’il tient dans la photo.

Conscient tout au long de l’incident, Colin se rappelle très bien le bruit qu’a fait l’hélicoptère en arrivant — quel soulagement! — et la conversation qu’il a eue avec un des ambulanciers. 

« Il m’a dit que j’étais chanceux, car cela faisait peu de temps qu’ils avaient les capacités de transfuser du sang sur place. Il m’a expliqué que sans ces transfusions, mes chances de survie sur le trajet jusqu’à l’hôpital étaient faibles, raconte Colin, 49 ans. À ce moment-là, je me suis dit que j’allais survivre. On ne dirait pas ça à un mourant. » 

Il raconte que les ambulanciers ont rapidement enchaîné les transfusions et qu’un bûcheron « a fait office de support pour intraveineuse ». 

« Je me souviens qu’ils plaisantaient avec un des bûcherons. Ils lui disaient : “Vous faites un très bon support de poche! Tenez, prenez celle-ci!” », raconte Colin. 

blood bag icon

Pourquoi le sang de type O négatif est-il si important?

Les globules rouges présentent à leur surface des antigènes, une combinaison de protéines et de molécules de sucre, qui déterminent le groupe sanguin. Le sang du groupe O négatif étant exempt de certains antigènes, il peut être transfusé en toute sécurité à n’importe qui, ce qui le rend essentiel dans les situations urgentes. Toutefois, on ne retrouve ce groupe sanguin que chez 7 % de la population canadienne. Pour en savoir plus sur nos besoins constants de sang O négatif.


ll ne saura jamais qui a donné les précieux globules rouges O négatif qui ont permis de le stabiliser en vue du trajet vers l’hôpital général de Vancouver : des voisins de Colombie-Britannique, ou peut-être des donneurs de sang de partout au pays? Les globules rouges ayant une durée de conservation de 42 jours, les dons devaient dater de la fin juin ou du mois de juillet. Peut-être les donneurs étaient-ils partis plus tôt d’un barbecue ou avaient-ils écourté une escapade à la plage pour aider un étranger.   

Quelle que soit leur identité, Colin est extrêmement reconnaissant. Il sait exactement ce qu’il leur dirait s’il pouvait les rencontrer.  

« Je les remercierais, et je leur proposerais de les emmener pêcher. » 


Faites toute la différence

Donner du sang ou du plasma



REMARQUE : Certains lecteurs pourraient être choqués par certains détails de l’attaque de Colin. Cliquez ici pour sauter ces passages. 

« Je suis suspendu dans les airs, au bout de ses mâchoires » 

L’histoire de Colin avait commencé la veille de l’attaque, chez lui, près de Campbell River (C.-B.), une petite ville de la côte est de l’île de Vancouver. Il s’était rendu par bateau dans une région reculée du continent, près du mont Doogie Dowler. Le pic, qui porte le nom de son grand-père, se trouve à 55 kilomètres environ à vol d’oiseau de Campbell River. Colin et son frère s’étaient donné comme objectif d’en faire l’ascension dans les prochaines années.  

C’était la deuxième fois que Colin se rendait sur place pour repérer tous les itinéraires possibles jusqu’au sommet. Il a amarré son bateau au niveau d’un petit camp forestier (le même où il a été secouru), où un cuisinier lui a proposé de le conduire jusqu’au bout d’un chemin forestier. À partir de là, il a continué seul avec son équipement et son vélo, randonnant sur d’anciens chemins et dans le bois, avant de passer la nuit à mi-parcours, en lisière de forêt.

Man in helmet on mountain looking out at other peaks
Colin Dowler se réjouit de pouvoir reprendre la randonnée et le camping dans les montagnes grâce aux donneurs de sang qui lui ont sauvé la vie après une attaque d’ours il y a quatre ans.

Le lendemain, au bout de quelques kilomètres seulement sur le chemin du retour, un ours est apparu devant son vélo. 

« C’était une portion relativement plate du chemin de retour vers l’océan, se souvient Colin. J’admirais les paysages, puis en jetant un œil vers l’avant, je me suis rendu compte qu’il y avait un grizzli sur le chemin. »  

Selon lui, l’animal se trouvait tout au plus à trente mètres. Sachant très bien qu’il ne pourrait pas le battre à la course, il est resté sur place, espérant qu’il retourne dans le bois. Bien au contraire, l’ours s’est dirigé vers lui. Colin a alors saisi un bâton de marche accroché à son sac. 

« J’ai frappé plusieurs fois le bâton contre mon vélo pour faire du bruit, dans l’espoir que ça lui fasse peur, mais ça n’a pas fonctionné. » 

L’ours l’a dépassé sur quelques mètres, si proche que Colin aurait pu le toucher. Puis, il s’est retourné. Colin en a fait de même pour garder le vélo entre eux deux : cela semblait rendre l’ours nerveux.  

Colin lui a alors donné un coup de bâton entre les yeux, espérant le repousser. Hélas, l’ours a attrapé le bâton avec ses dents, l’a fait tomber et a commencé à toucher le vélo.  

« À ce moment-là, j’ai retiré mon sac, dans l’espoir qu’il s’intéresse à la nourriture qui s’y trouvait, raconte Colin. Je l’ai lancé entre nous, mais légèrement sur le côté. » 

L’ours a reniflé le sac un petit moment avant de refaire face à Colin. En désespoir de cause, Colin a lancé son vélo sur lui. Tout d’un coup, l’ours tentait de l’atteindre avec sa patte à travers le cadre du vélo, avant de passer sa tête au-dessus. Il a plongé ses crocs dans le flanc de Colin et l’a soulevé. 

« J’étais suspendu dans les airs, au bout de ses mâchoires. Il m’a traîné sur le chemin sur une dizaine de mètres avant de me poser au bout du chemin et de resserrer les mâchoires. » 

Colin enfonçait ses doigts dans les yeux de l’ours tout en se débattant frénétiquement avec ses jambes.   

« Je suis sur mes épaules et mon dos, donnant le plus de coups possible avec mes jambes pour qu’il me lâche, mais il me coinçait les jambes avec sa patte, tout en mordant mes deux cuisses. J’ai eu plus de cinquante points de suture sur les cuisses. » 

Alors qu’il hurlait de douleur, de nombreuses pensées sont venues à l’esprit de Colin. Il se demandait si l’ours allait le dévorer, ou le traîner dans le bois, où il serait laissé à son sort. Il était rongé par les remords à l’idée d’abandonner sa femme et ses deux filles.  

C’est alors qu’il s’est rappelé qu’il avait un couteau.  

Man in hospital gown with walker
Colin Dowler a passé quarante jours à l’hôpital après avoir été attaqué par un grizzli dans une région reculée de la Colombie-Britannique. Des transfusions sanguines réalisées près du lieu de l’attaque ont permis de le stabiliser avant le transport en ambulance aérienne.

Un cadeau qui tombait à point 

Le couteau était neuf, son père lui en avait fait cadeau quelques semaines auparavant. Même s’il n’était pas conçu pour combattre un grizzli, il était bien plus utile que le couteau de poche de Colin emportait habituellement.  

Cloué au sol par l’animal de 350 livres, Colin a malgré tout réussi à atteindre sa poche droite et à sortir le couteau, qu’il a plongé dans le cou de l’animal.  

Cela a fonctionné : l’ours l’a lâché. Il s’est éloigné sur le chemin, laissant derrière lui une traînée de sang. Après avoir reniflé le vélo de Colin, il est reparti sur le sentier d’où il était arrivé. 

« Il était debout, le cou en sang. Son regard oscillait entre le bois et moi. » 

Colin s’est forcé à ne pas regarder l’ours pour s’occuper de ses blessures. À l’aide du couteau, il a découpé une de ses manches pour poser un garrot sur sa jambe gauche. Les blessures étaient impressionnantes, ce qui rendait la tâche particulièrement terrifiante. Mais lorsqu’il a levé les yeux, l’ours était parti. 

S’est alors posée la question de la suite : sans aucun moyen de communiquer avec le monde extérieur, il n’avait pas d’autre choix que de se rendre au camp.

Forested bay area with logging camp buildings among trees
Après avoir été attaqué par un grizzli, Colin Dowler a parcouru sept kilomètres à vélo pour se faire secourir au camp forestier en photo. Ce site reculé n’est accessible que par les airs ou par bateau; une ambulance aérienne lui est venu en aide.

« J’étais incapable de marcher et incapable de ramper, alors je me suis retourné pour m’asseoir, j’ai étendu ma seule jambe en bon état et poussé avec mes mains pour parcourir la dizaine de mètres qui me séparaient de mon vélo. J’ai eu du mal à monter dessus, et quand j’ai essayé de pédaler, je me suis ramassé sur la figure. »  

Il a malgré tout réussi à remonter sur le vélo, s’est concentré et est parti. Les 3,5 premiers kilomètres, il les a parcourus en pédalant avec son pied droit, laissant le gauche, blessé, reposer sur l’autre pédale. Sur la seconde moitié du trajet, il a pu rouler en roue libre jusqu’à s’écraser sur la terrasse d’un des bâtiments du camp.  

Heureusement, c’était l’heure du dîner et plusieurs employés se trouvaient à l’intérieur. 

« J’ai hurlé : “À l’aide, j’ai été mordu par un ours! Appelez un hélicoptère!”, raconte Colin. Ils sont sortis en courant. C’était un vrai carnage, il y avait du sang partout. » 

Les donneurs de sang, éléments essentiels d’une équipe qui sauve des vies 

Colin est extrêmement reconnaissant de la réactivité des cinq personnes qui se trouvaient là. Elles ont rapidement appelé les secours à l’aide d’un téléphone satellite et ont uni leurs efforts pour le transporter à l’intérieur. 

« C’est là que nous avons trouvé Colin, aux soins des premiers intervenants. Ils avaient justement suivi leur premier cours de secourisme la semaine précédente, raconte Kalani Polson, un des ambulanciers en soins critiques arrivés par hélicoptère. C’était leur premier patient. » 

Critical care flight paramedic in uniform holding helmet with air ambulance in background
Kalani Polson, ambulancier paramédical de niveau spécialisé (air) des services de santé d’urgence de Colombie-Britannique (BC Emergency Health Services – BCEHS), a pu administrer des transfusions de sang O négatif à Colin Dowler. Les dons de sang alimentent le programme de sang préhospitalier des BCEHS, lancé début 2019. (Photo avec l’aimable autorisation des BCEHS)

C’était aussi une première pour Kalani. En effet, il avait déjà transféré des victimes d’attaques d’ours de petits hôpitaux vers de plus gros hôpitaux, mais il n’avait jamais été le premier sur place après un tel incident.  

En soulevant un des pansements que les premiers intervenants avaient posés sur Colin, « on pouvait voir son rein et sa glande surrénale, raconte Kalani. Il y avait un trou béant de six pouces sur six sur le côté de son abdomen. Nous craignions qu’il se vide de son sang et qu’il succombe à un choc hémorragique d’une minute à l’autre. » 

Colin a eu la chance que les services de santé d’urgence de Colombie-Britannique (BC Emergency Health Services – BCEHS) aient lancé leur programme de sang préhospitalier plus tôt dans l’année. Ce programme vise à équiper les ambulances aériennes de la base de Vancouver en sang O négatif, dans des glacières à température contrôlée. Les premières transfusions avaient été effectuées en février. 

« Nous n’avions fait que quelques transfusions entre février et cet été-là, explique Kalani. En général, l’été est notre saison la plus chargée. Colin était donc probablement l’un des premiers parmi des dizaines de patients. » 

Depuis 2019, ce programme de « sang à bord » s’est élargi aux ambulances aériennes des bases de Parksville et de Kamloops. Outre les globules rouges, les ambulances aériennes de Vancouver ont également commencé en 2021 à transporter du plasma décongelé — le composant jaunâtre qui constitue la majeure partie du volume sanguin. Début juillet 2023, les ambulanciers de toutes les bases avaient effectué un total de 118 transfusions, selon les BCEHS. 

« On aurait perdu bon nombre de patients sans transfusions préhospitalières », affirme Kalani, aujourd’hui chef d’unité à la base d’ambulances aériennes de Vancouver. « C’est la mesure dont l’introduction a sauvé le plus grand nombre de vies depuis que je travaille, et cela fait 28 ans que je suis ambulancier en Colombie-Britannique. » 

Sans transfusions, Colin n’aurait sans doute même pas atteint l’hélicoptère vivant, et encore moins l’hôpital, selon Kalani. Les dons de sang O négatif et les médicaments visant à limiter l’hémorragie ont permis de le stabiliser en vue du vol d’une heure jusqu’à Vancouver. 

Kalani a un message pour les personnes qui hésitent à donner du sang, notamment en été, une saison particulièrement occupée : 

« Je dirais que c’est de l’or liquide. Leurs dons peuvent sauver des vies, et le feront certainement. » 

Man with backpack signing summit register in snowy mountains
Après avoir survécu à une attaque d’ours, Colin Dowler a repris l’alpinisme. Le voici qui signe le registre après avoir atteint le sommet de Big Interior Mountain, sur l’île de Vancouver.

Un receveur de sang qui se lance de nouveaux défis

Les dons de sang qu’a reçus Colin ont eu de nombreuses répercussions au-delà de sa survie. Grâce à eux, il est là pour sa femme et ses deux filles, dont la plus jeune n’avait pas encore fini l’école secondaire lorsqu’il a été blessé.  

Colin est aussi une source d’inspiration pour bien d’autres personnes. Pendant le confinement, il a constitué une équipe pour la course Royal LePage Snow to Surf, une course relais d’aventure qui se déroule sur l’île de Vancouver. La course démarre en milieu alpin et se termine en mer, avec des épreuves de ski, de vélo, de course et de planche à bras jusqu’à la ligne d’arrivée. Comme Colin, ses coéquipiers avaient tous survécu à de graves blessures et maladies. 

« Notre équipe s’appelait “Les combattants” pour souligner les difficultés que nous avions surmontées individuellement et pour rendre hommage à tous ceux qui ont, eux aussi, un combat à mener, a écrit Colin dans un texte remis à un journal local. La vie est un défi, et nous affrontons une difficulté après l’autre. » 

Man wearing a black T-shirt that says “Go outside. Worst case scenario a bear kills you.”
Quatre ans après avoir presque perdu la vie au cours d’une attaque d’ours, Colin Dowler, amateur de plein air, porte un t-shirt au message ironique pour une séance photo et vidéo sur son expérience.

Avoir frôlé la mort entre les mâchoires d’un grizzli n’a pas non plus dissuadé Colin de retourner dans la nature. Il est déterminé à randonner, camper et explorer le plus possible dès maintenant, au cas où des problèmes de santé l’en empêcheraient à l’avenir.  

D’ailleurs, cette année, Colin a passé la fin de semaine de la fête du Canada en randonnée et en camping dans les montagnes du parc Strathcona, sur l’île de Vancouver — avec toutefois un accessoire qu’il ne gardait pas si près de lui la nuit auparavant. 

« C’est sûr, je dors mieux dans une tente avec un vaporisateur de poivre, dit-il. Sa présence me rassure. » 

Un alpiniste les bras victorieux au sommet du mont Doogie Dowler
Nouvelle de dernière heure : mission accomplie! À la fin d’août 2023, Colin nous a fait parvenir cette photo où il pose fièrement au sommet du mont Doogie Dowler. 

 

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