Lettre ouverte au juge Horace Krever (à la retraite)


Monsieur,

Au nom de l’ensemble des employés de la Société canadienne du sang, ainsi qu’au nom des donneurs, des bénévoles et des innombrables personnes qui ont été affectées par le système d’approvisionnement en sang du Canada, j’ai le privilège de vous offrir nos remerciements pour votre remarquable contribution aux soins de santé au Canada, contribution qui s’en ressent toujours aujourd’hui.

C’était il y a 20 ans, bien des choses ont changé depuis, et pourtant, le rapport final de la Commission d’enquête sur l’approvisionnement en sang au Canada constitue, encore aujourd’hui, une référence indispensable pour la Société canadienne du sang et les autres fournisseurs de sang dans le monde. Votre vision d’un service d’approvisionnement en sang national, transparent et public a jeté les bases de cette organisation que je dirige aujourd’hui, en toute fierté et en toute humilité. Lors de mes échanges avec mes homologues étrangers, il en est clairement ressorti que votre rapport est toujours considéré comme le schéma directeur des systèmes d’approvisionnement en sang aux quatre coins du globe.

On m’a souvent demandé s’il pourrait y avoir une nouvelle crise du sang contaminé : sommes-nous prémunis contre les conditions qui ont mis à mal notre système d’approvisionnement en sang et contaminé tant de personnes? C’est cette question qui m’oblige à continuellement penser aux aspects qui ont été mis en place dans le système actuel qui sont le plus susceptibles de nous protéger contre ce genre de catastrophe. C’est aussi la raison pour laquelle nous nous efforçons de gérer le système de la manière la plus transparente qui soit, ce qui implique, entre autres, le maintien d’une relation indépendante adéquate avec les bailleurs de fonds, une totale transparence, la participation du public à la prise de décisions et une attention sans relâche à la fiabilité et à la qualité des produits sanguins ainsi qu’à la sécurité de l’approvisionnement.
  
Dans les années 80 et 90, les Canadiens ayant perdu toute confiance en leur système de santé publique, votre rapport nous a fourni les bases nécessaires pour regagner leur confiance ainsi que les ressources requises pour empêcher qu’une tragédie de cette ampleur ne survienne de nouveau. Nous avons mis la confiance au cœur de la culture de notre organisation et de notre mission pour que chaque jour nous soyons obligés de travailler pour la gagner et la conserver.

Votre contribution aux soins de santé est monumentale et ne devrait jamais être oubliée. Malheureusement, toute une génération ne connaît pas ce pan de notre histoire et ne sait ni pourquoi ni comment le système d’approvisionnement en sang a dû être reconstruit. Dans un récent sondage conduit par Ipsos pour la Société canadienne du sang, moins de la moitié des répondants ont indiqué avoir une idée plus ou moins vague de la Commission Krever et de ses conclusions.

Chaque fois que je participe à l’orientation de nouveaux employés, je me fais un point d’honneur de parler d’abord de vos travaux. Les gens chargés de gérer le système doivent posséder ce savoir, qui doit être au cœur de ce que nous faisons, même si la crise du sang contaminé peut nous sembler à des années-lumière derrière nous. Il faut que ce soit ainsi, sinon, le prix à payer serait trop élevé. Les conséquences potentielles sont inacceptables. 

J’aime quand quelqu’un lance le dialogue en osant poser la question : « Sommes-nous certains qu’il y a moins de risques aujourd’hui que le système cause préjudice aux patients qui en dépendent? ». Guidés par votre rapport, nous avons apporté beaucoup de changement au cours des deux dernières décennies pour protéger le système dans l’intérêt des Canadiens. Je suis convaincu que le système d’aujourd’hui est plus solide, plus souple et mieux équipé que jamais pour détecter et prévenir les menaces. 

Malgré les certitudes susmentionnées, nous devons continuer d’être vigilants afin d’avoir des réserves de sang et de produits sanguins sûres, accessibles et en quantités suffisantes. Nous devons atteindre un juste équilibre entre l’indépendance et la collaboration avec les diverses parties concernées à la grandeur du pays. C’est ainsi que nous conserverons votre héritage au cœur de ce qui nous amène au travail chaque jour. 

Je tiens à vous exprimer mes plus sincères remerciements et à vous assurer de mon engagement personnel à toujours garder à l’esprit l’héritage que vous nous avez légué. 

Je vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées. 
 

 

Le chef de la direction de la Société canadienne du sang, 
Graham D. Sher

Publié par le Hill Times le 22 novembre 2017

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