Une étude révolutionnaire fait appel à l’intelligence artificielle pour analyser les globules rouges

Une découverte susceptible d’améliorer les diagnostics et le contrôle de la qualité des globules rouges en réserve

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23 septembre 2020

Olga Mykhailova (à gauche), boursière postdoctorale du laboratoire de Jason Acker, et Tracey Turner, experte de la morphologie des globules rouges, qui a aidé à caractériser plus de 52 000 images de globules rouges dans le cadre du projet.

Image of Lab researchers Dr. Olga Mykhailova and Tracey Turner standing in the lab with a bunch of empty test tubes on the table.

On peut en apprendre beaucoup sur un globule rouge d’après sa forme; or l’intelligence artificielle est capable d’en faire une analyse plus précise et plus rapide, ce dont devraient profiter les patients et les systèmes d’approvisionnement en sang du monde entier.

Voilà ce que révèle une étude publiée récemment dans la prestigieuse revue Proceedings of the National Academy of Sciences. L’un des principaux auteurs de l’étude n’est autre que Jason Acker, chercheur principal au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang.

« Notre étude montre que l’intelligence artificielle analyse mieux la morphologie des globules rouges, c’est-à-dire leur forme, et ce, bien plus rapidement que les experts humains », affirme Jason Acker. « À l’avenir, cette technologie devrait mener à l’amélioration des diagnostics et au perfectionnement du contrôle de la qualité au sein des systèmes d’approvisionnement en sang, comme celui de la Société canadienne du sang. »

Menée sur plus de trois ans, l’étude a regroupé 19 experts originaires de cinq pays différents et 12 établissements universitaires. À sa tête, Jason Acker et des chercheurs du Broad Institute du MIT et de Harvard, ainsi que du département de physique à l’Université Ryerson de Toronto, en Ontario.

Que nous apprend la forme d’un globule rouge?

On peut déterminer l’âge d’un globule rouge d’après sa forme. Ce type de cellule a une durée de vie d’environ 115 jours dans le corps. Lorsqu’ils sont neufs et sains, les globules rouges sont de forme circulaire, avec des bords relevés (un peu comme un beignet), ce qui leur permet de s’introduire dans les plus petits vaisseaux sanguins, appelés capillaires.

À mesure qu’ils vieillissent, ils commencent à ressembler davantage à des Timbits. Leurs bords deviennent plus irréguliers, puis ils se déchiquètent, jusqu’à ce que la cellule se transforme en sphère, une forme peu adaptée au transport de l’oxygène dans le corps.

Les chercheurs du laboratoire de Jason Acker analysent chaque jour la forme des globules rouges pour veiller à la qualité des culots globulaires destinés aux patients. Tous les dons de sang contiennent des globules rouges neufs et anciens, mais les proportions diffèrent d’une personne à l’autre. Par exemple, d’autres travaux de Jason Acker indiquent que les jeunes femmes ont tendance à avoir une plus grande proportion de jeunes globules rouges par rapport aux femmes plus âgées ou aux hommes de tout âge.

La forme des globules rouges permet également de diagnostiquer certains troubles et d’évaluer les personnes qui en sont atteintes. Par exemple, chez les personnes atteintes d’anémie falciforme, les globules rouges ont une forme de croissant ou de faux.

Utiliser l’intelligence artificielle pour obtenir plus rapidement des données plus riches

Le dernier siècle a vu peu d’évolution dans la manière d’étudier la forme des globules rouges. On étale le sang sur une plaquette pour l’examiner au microscope. Les spécialistes de la morphologie des globules rouges travaillent méticuleusement pour catégoriser les globules rouges selon leur forme (il existe six catégories) et les compter.

C’est un travail laborieux, en plus d’être subjectif, qui aboutit souvent à des résultats très différents d’un expert à l’autre. L’autre difficulté vient du fait que les globules rouges ne passent pas d’un seul coup d’une forme à l’autre. Cela se fait progressivement. Or, quand la forme du globule rouge se situe entre deux des six catégories, l’expert doit user de son propre jugement pour choisir la plus appropriée.

Dans le cadre de l’étude menée récemment, les chercheurs se sont intéressés à l’apprentissage automatique pour obtenir une analyse plus précise et plus rapide de la forme des globules rouges — et les résultats étaient probants. Dans un premier temps, il leur a toutefois fallu travailler manuellement pour recueillir et classer plus de 52 000 images de globules rouges. Une tâche colossale effectuée sous l’autorité de Tracey Turner, assistante de recherche principale dans le laboratoire de Jason Acker et experte de la morphologie des globules rouges. Cette collection d’images annotées de globules rouges constitue désormais la plus vaste base de données en libre accès du monde. 

Ces images ont ensuite servi à entraîner un réseau neuronal, un système informatique qui imite le fonctionnement du cerveau humain et qui utilise des algorithmes pour identifier les relations sous-jacentes dans un ensemble de données. Ce réseau a démontré une très bonne capacité à catégoriser la forme des cellules.

Image of Researcher Dr. Jason Acker sitting in the lab at Canadian Blood Services’ Centre for Innovation


Jason Acker, chercheur principal au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang.

« Ce qui est remarquable avec l’apprentissage automatique, c’est qu’il permet d’identifier des relations que nous ne serions pas capables de voir. Nous plaçons les cellules dans des catégories que nous avons définies, et, de ce fait, nous ignorons de l’information », affirme Jason Acker.

« Les machines sont objectives; l’intelligence artificielle révèle des caractéristiques que nous n’aurions pas notées et elle est capable de placer les globules rouges sur un spectre plus nuancé selon leur forme. »

Un meilleur contrôle de la qualité et de meilleurs diagnostics, plus rapidement

Cette technologie pourrait changer la donne dans de nombreux domaines, de la recherche sur les globules rouges au contrôle de la qualité des produits sanguins. Elle pourrait également permettre d’accélérer et d’affiner les diagnostics et l’évaluation de maladies comme la malaria et l’anémie falciforme, entre autres.

Selon Jason Acker, elle pourrait s’avérer particulièrement utile pour atteindre l’un de ses objectifs de recherche : mieux comprendre la qualité des produits sanguins pour veiller à ce que les patients reçoivent des produits sanguins de la plus haute qualité au moment opportun. L’intelligence artificielle a la capacité de fournir aux chercheurs des données plus riches et plus nuancées en une fraction du temps qu’il faudrait pour les obtenir manuellement. Jason Acker s’intéresse beaucoup aux facteurs qui influencent la qualité des culots globulaires, comme le type de donneur et le processus de traitement des dons de sang.

En outre, l’intelligence artificielle présente un potentiel énorme en ce qui concerne la réduction du nombre de dons de sang requis pour effectuer le contrôle de la qualité. Grâce à l’apprentissage automatique, ce processus, qui se déroule présentement sur plusieurs mois, pourrait s’effectuer en une journée à l’aide de plus petites quantités de sang. Ainsi, le sang actuellement destiné au contrôle de la qualité pourra être distribué aux patients.

Les résultats de ces analyses plus rapides permettraient en outre de réviser la durée de conservation des culots globulaires, ou de diriger ces derniers vers les patients les plus compatibles.

« En définitive, cette technologie s’intégrera certainement dans les processus de contrôle de la qualité des systèmes d’approvisionnement », conclut Jason Acker. « Elle nous fournit rapidement des renseignements sur la qualité des produits, nous permettant ainsi de distribuer au mieux le sang aux patients canadiens. »

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