Résumé du projet

Contexte

Il est nécessaire d’obtenir des données probantes afin de déterminer si les systèmes d’approvisionnement en sang peuvent modifier les critères d’admissibilité ou les politiques (faisabilité opérationnelle) et de comprendre comment certains changements seraient perçus par les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HARSAH) et les autres personnes concernées. Ce projet avait pour objectif de recueillir des données visant à guider la création éventuelle par HémaQuébec d’un programme de don de plasma destiné aux HARSAH. Cela consisterait probablement en la collecte de plasma-aphérèse, ou plasma-source, qui après une période de quarantaine, serait fractionné en protéines plasmatiques après la réalisation de nouvelles analyses sur le sang des donneurs. Cette approche permet de se prémunir contre les infections transmises par transfusion. L’étude a porté sur l’acceptabilité et la faisabilité de ce type de programme pour les HARSAH de la communauté gaie de Montréal, à l’aide d’un questionnaire en ligne et de groupes de discussion tenus dans des établissements communautaires.

Description

En 2018, nous avons organisé des groupes de discussion avec des HARSAH afin de comprendre les raisons pour lesquelles ils souhaitaient participer à un programme de don de plasma-source. Ces groupes de discussion ont permis d’évaluer les attitudes, les normes subjectives (p. ex. l’approbation ou la désapprobation perçue des autres, les normes personnelles concernant un comportement) et le contrôle comportemental perçu (p. ex. les facteurs facilitants ou les barrières, la capacité perçue à adopter un comportement malgré les obstacles). En fonction des croyances identifiées dans les groupes de discussion, un questionnaire en ligne a été élaboré en français et en anglais afin de comprendre pourquoi les HARSAH souhaitaient participer au programme, ce qui influençait cette décision et quelles étaient leurs préférences (p. ex. le lieu et les conditions de participation au programme). À la lumière des résultats des groupes de discussion, certains objectifs initiaux ont été jugés non pertinents ou ont été intégrés dans la deuxième phase du projet.

Résultats

Les groupes de discussion avec les HARSAH (N = 47, dans 7 groupes de discussion) ont révélé des opinions mitigées : beaucoup ont considéré le programme comme un pas en avant et une occasion pour les HARSAH de contribuer aux efforts de collecte de sang. Cependant, beaucoup l’ont également considéré comme une forme d’exclusion qui esquive la question de l’accès au don de sang total des HARSAH et qui ne répond pas aux besoins des HARSAH. Les participants ont montré un certain intérêt pour le don de plasma, mais désiraient être traités comme n’importe quel autre donneur et ne pas se sentir discriminés. Les participants ont convenu de l’importance pour les bénévoles et le personnel infirmier de recevoir une formation appropriée afin de mieux comprendre les points de vue des donneurs (Caruso et al., 2019).

Au total, 933 participants ont été recrutés pour répondre au questionnaire en ligne et de ce nombre, 589 (63 %) y ont répondu jusqu’à la fin. Lorsqu’on leur a demandé s’ils avaient l’intention de donner du plasma au cours des six prochains mois dans le cadre du programme de don de plasma pour les HARSAH, 34 % ont indiqué avoir la ferme intention de participer. Une analyse de régression linéaire multiple a expliqué 55 % (p < 0,001) de la variation de l’intention. L’intention était prédite par les attitudes, le contrôle comportemental perçu, l’âge inférieur à 35 ans, les antécédents en matière de don de sang, la norme subjective, le revenu supérieur à 40 000 $, la norme morale et, à un degré moindre, un niveau d’implication plus élevé dans les diverses luttes dans lesquels la communauté LGBTQ+ s’implique (VeilletteBourbeau et al., 2021). Les obstacles les plus importants à la participation à un programme de don de plasma étaient liés à l’accessibilité, à l’acceptabilité et à l’ouverture du personnel et aux caractéristiques distinctes du programme de don de plasma (c’est-à-dire la période de quarantaine, l’obligation de revenir après trois mois, la différence de traitement par rapport à la population générale). Les facteurs qui faciliteraient la participation comprennent l’accessibilité, l’offre de services sur place et les circonstances de la participation. Les participants préféraient faire leur don dans un centre destiné à la population générale ou dans un centre pour HARSAH, mais ouvert au grand public. Il serait également possible d’envisager un point de collecte dans une clinique de santé connue et respectée des HARSAH.

Applications

Les résultats suggèrent un certain intérêt pour un programme de don de plasma destiné au fractionnement, mais cet intérêt est atténué par le contexte social du programme (c’est-à-dire l’injustice et la discrimination perçues à l’égard des HARSAH) plutôt que par des obstacles liés au programme lui-même. Deux scénarios pour un éventuel lieu de mise en œuvre du programme ont été retenus : 1) un nouveau centre de don ouvert à tous, ou 2) un centre médical existant fréquenté par les HARSAH. Quel que soit le lieu choisi, deux conditions semblent cruciales : 1) la possibilité pour tous de faire un don, que l’on soit HARSAH ou non, et 2) la mise en quarantaine de tous les dons, quelle que soit l’orientation sexuelle des donneurs. Nos résultats soulignent l’importance de faire participer les HARSAH au processus de transformation des pratiques et de révision des critères d’admissibilité. L’acceptabilité du programme de don de plasma par la communauté serait probablement plus élevée si les HARSAH avaient le sentiment d’être respectés et de participer aux décisions.

Lacunes

Avant de mettre en place un tout nouveau centre de don de plasma à Montréal qui accueillerait les HARSAH, il est important d’évaluer l’acceptabilité de ce type de programme auprès de toutes les parties intéressées afin de prédire avec précision la viabilité d’un tel projet.  

Publications et ressources

Acceptabilité et faisabilité concernant le don de plasma


Dans la continuité de son projet de recherche financé par le Programme de recherche HARSAH, Joanne Otis, professeure en éducation à la santé à l’Université de Montréal, cherche à savoir dans quelle mesure le don de plasma d’aphérèse serait, à Montréal, considéré comme acceptable et faisable par les hommes trans, gais, bisexuels et autres HARSAH, les bénévoles d’Héma-Québec, les donneurs actuels et les receveurs de produits plasmatiques.

Projet plasma; en cours.

Comprendre l’acceptabilité


Daniel Grace, professeur de sociologie à l’Université de Toronto, a étudié l’acceptabilité des critères d’admissibilité au don de sang actuels, ainsi que d’autres critères, chez les hommes gais, bisexuels et autres HARSAH. 

Projet terminé et publié.

Modélisation mathématique des risques — plasma


Antoine Lewin, biostaticien en chef à Héma-Québec, a étudié un modèle mathématique afin de comprendre les risques associés au don de plasma par les hommes gais, bisexuels et autres HARSAH.

Projet terminé et publié.